À PUNTU DI …

Une oeuvre et son exploitation pédagogique

Un’opera è a so sfruttera pedagogica

Liberata

Le réalisateur

Philippe Carrese

1/ Pour quelle raison avez vous traité le sujet de la résistance en Corse ?

J’ai découvert l’histoire de corse pendant la seconde guerre mondiale lors des cérémonies du cinquantième anniversaire de la libération d’Ajaccio.

J’ai fait pas mal d’émissions avec  France 3 Corse. C’est une période peu connue, avec des évènements  peu diffusés à l’échelle nationale. La seconde guerre mondiale est un creuset intéressant quand on veut raconter des histoires humaines sur fond de tragédie, Malaterra, mon précédent film  se déroule pendant la guerre de 14 en terre occitanie. Nous avions avec ma co-scénariste une série de projets  autour de la thématique : huis clos dans un décor unique pendant un conflit contemporain. Nous avons fait Malaterra, Liberata, puis l’ Arche de Babel qui se déroule en 1940, à la frontière italienne. Nous avions un quatrième projet qui se déroulait pendant la guerre du Kosovo, en 1999, en Camargue, mais ce projet n’a pas vu le jour.

Sinon, un frère de mon père a fait la libération de la Corse, il était à Calenzana (marié à une Guidoni calinzanaise). Mais curieusement, j’ai appris beaucoup plus de chose sur cet épisode après le tournage du film, parce que le film a déclenché la parole dans ma famille. J’étais près de la réalité sans le savoir.

 

2/ Pourquoi éprouvez-vous le besoin de tourner vos films en langues dites « régionales » (Liberata, Malaterra) ? Cela apporte –il un plus à votre travail ?

Le principe des langues originales m’intéresse. Je ne vais voir les films qu’en VO. Il me semblait judicieux d’exploiter les VO sur des langues qui ne sont pas usuelles : le provençal et le corse …Mais surtout, ce qui m’intéresse c’est d’avoir une justification scénaristique à cette utilisation des langues. Dans Malaterra, ils parlent provençal, parce qu’à cette époque, dans les fermes de Haute Provence, ils parlaient provençal.

En 42, la première consigne de la résistance en corse, face à l’occupant italien a été : à partir de maintenant, on parle français, parce que si on parle corse, les italiens vont nous comprendre.

Mes origines italiennes (mes grands-parents sont tous venus de Naples au début du 20e siècle) m’ont sensibilisé aux langues latines, mais aussi mon amour de la musicalité des langues italiennes et corse. D’où le sujet traité.

Il me semble intéressant que le spectateur de ces films ait la possibilité d’entendre la bande son originale, le vrai son de l’histoire, donc avec les langues utilisées.

 

3/ Est-il difficile de travailler avec un scénario et des acteurs multilingues (dans liberata : corse, italien, français, napolitain) ?

Nous nous sommes entourés de gens très pointus dans les langues utilisées (Frédéric Poggi pour le corse). Ma co-scénariste parle très bien l’italien, je me débrouille pour comprendre et nos comédiens sont de vrais italiens qui on repris à leur compte une partie des dialogues. ça n’a pas été très compliqué, mais nous avons été très vigilants. Frédéric Poggi, qui joue un petit rôle dans le film (le curé), a suivi tout le film comme consultant, faisant travailler les comédiens avant les prises.

Le scénario a été écrit en français avant la phase de traduction des dialogues. Les acteurs étaient tous francophones, donc, ça a aussi facilité le travail.

 

4/ Pourquoi avez-vous fait le choix d’opérer très peu  (voire pas) de mouvements de caméra durant les prises de vue ?

C’est mon style. Et c’est une économie de temps conséquente.

Mais je crois vraiment que quand on fait un plan, il y a une bonne place pour la caméra, une bonne hauteur, une bonne focale, un bon axe, qui détermine d’ailleurs les axes et les hauteurs des plans suivants. C’est une mécanique très précise.

Mon travail dans ce cas se rapproche beaucoup de la photographie. On va dire que ça tombe bien : mon style de prise de vue est un style économique. Cela dit il y a quelques années, j’ai fait un film historique sur la vie de Joseph Conrad ou le scénario n’était pas terrible, mais la production ambitieuse. J’ai fait des travellings de tous les cotés. L’image est belle, mais comme le scénario n’était pas terrible, ça n’a pas sauvé le projet.

Le travelling est souvent utilisé pour donner du mouvement sans que la justification soit évidente. Et puis, si j’avais trois mois pour tourner, j’aurais peut-être fait quelques mouvements.

Quoi que !

 

5/ Comment définiriez-vous le métier de réalisateur ?

Le  réalisateur, c’est un peu le capitaine du bateau, qui a une carte, une destination, un équipage (l’équipe), des passagers (les spectateurs), et dont le métier est d’ amener les passagers jusqu’ à la destination qu’ ils ont choisi dans les conditions les meilleures possibles. Si le passager paye pour une croisière tranquille, on va pas lui faire faire du ski nautique derrière le paquebot. Si le passager s’embarque sur un NGV, on va pas ralentir pour lui faire admirer les dauphins. Si le passager s’embarque sur un voilier, il sait qu’il n’ira pas aussi vite que sur un bateau moteur… Bon… C’est un peu ça le métier. Et on a un armateur (le producteur) à qui on rend des comptes.

On a un budget à gérer, des gens à gérer, des comédiens à diriger, des équipes à manager. C’est très complexe, mais c’est passionnant.

Et comme il se trouve que j’ai une vision assez précise de tous les métiers qui composent mes équipes, ça permet de se raconter des choses sans perdre trop de temps. Je sais à peu près jusqu’où on peut aller …

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