À PUNTU DI …

Une oeuvre et son exploitation pédagogique

Un’opera è a so sfruttera pedagogica

Liberata

Analyser une séquence : l’incipit

Définition :

Une fois, la salle de cinéma plongée dans l’obscurité, le générique défile, en quelques minutes le spectateur bascule de la réalité à la fiction en oubliant aussitôt le monde réel, comme par magie.

L’incipit a rempli sa mission, la séduction du commencement a opéré.

Seuil stratégique du récit filmique qui envoute le spectateur, le terme  » incipit  »   est en réalité la troisième personne du singulier au présent de l’indicatif du verbe latin « incipere » (commencer)  et correspondait à l’origine aux premiers mots d’une prière  latine, par ailleurs  souvent pris pour titre.

Par extension, en littérature, désigne les premiers mots ou premières phrases et plus généralement le début d’un récit qu’il soit écrit ou cinématographique.

Sa fonction est d’informer sur les lieux, les personnages mais également d’indiquer le genre de l’œuvre.

L’incipit fait toujours l’objet d’un travail de création particulier, l’auteur étant toujours conscient de l’importance de ce moment si singulier dont le but est de captiver le lecteur ou le spectateur.

L’incipit dans le film Liberata :

L’incipit du film Liberata dont la durée commence à l’ouverture du film (00.00.00) jusqu’ à la découverte du village (00.03.00) se compose de trois séquences :

–  un plan séquence qui marque le tout début du film

–  le générique

–  la séquence du train et l’arrivée de Santu au village.

 

Nous nous limiterons à analyser la première séquence de l’incipit  les quarante premiers secondes du film.

C’est à dire le tout premier « plan séquence » qui se situe juste avant le générique de début de film.

La séquence que l’on peut définir de séquence – clé est  tournée avec une caméra fixe et sans changement de valeurs de plans, débute  avec une ouverture au noir  sur un mur de brique rouge ocrée.

Quelques accords  jazzy de trompette « bouchée » résonnent  avec en fond sonore un bruit de moteur de camion.

Alors que des roulements de tambour claquent ensuite  comme une déclaration de guerre, un titrage  en lettres noires situe l’action dans l’espace et le temps, on y lit « Novembre 1942 les troupes italiennes envahissent la corse ».

Lorsque le premier titrage disparaît en léger fondu, un soldat, fusil à l’épaule et de dos, entre dans le champ, en plan rapproché  et écrit à la peinture noire « vinceremo » sur le mur en brique rouge.

On comprend vite que la couleur noire qui symbolise la mort et le deuil, utilisée pour l’incrustation et par le soldat pour écrire son slogan est dans ce contexte  une allusion directe au fascisme italien (camicie nere).

Afin d’écourter la séquence, le réalisateur et le monteur utilisent la technique de montage du  fondu enchainé qui crée l’ellipse temporelle.

Le soldat italien de dos, donc anonyme sort du champ et laisse la place à un autre  homme, anonyme aussi, vêtu en civil qui, sous l’inscription « vinceremo » répond « videremu » à la peinture rouge. A noter que cette notion d’anonymat, crée par la prise de vue de dos et en plan américain (demi ensemble ?) traduit un souci de généralisation, ici la généralisation de la deuxième guerre mondiale.

De plus, du point de vue linguistique, le conflit s’affiche sur un  mur, et par deux langues différentes, on pense au principe du tag.

Là aussi le choix des couleurs est primordial, la symbolique du rouge est le sang, la vie .Dans le contexte, on comprend qu’il s’agit d’un résistant corse communiste.

Le plan séquence que nous venons de décrire semble fondateur de toute la fiction qui va suivre .On sait que le récit va se dérouler pendant la deuxième guerre mondiale en Corse.

Le mur, décor permanent de cette séquence, semble symboliser le conflit, la barrière entre les hommes, l’impossibilité de voir l’horizon, la fermeture, le manque d’espoir.

Ce mur réussira t-il a être franchi ou brisé ?

La suite du film « Liberata » nous le dira …

 

Éléments à   analyser  Questions à se poser pour dégager les effets recherchés et la signication des procédés
1. L’histoire
Action • Scène faisant partie de la première partie de l’incipit, se situant au tout début du film et révélateur du déroulement de la fiction
Personnages et décor

• personnages : un soldat et un civil

• éléments visuels présents : le mur de brique de couleur ocre

• lieux : extérieur jour

• fonctions du décor : le mur est le décor permanent qui symbolise l’absence d’horizon, le conflit.

• atmosphère, symbolique : période de guerre

• occupation de l’espace par les personnages : les 2 personnages apparaissent avec le même procédé d’entrée de champ et de sortie de champ. Ils se tiennent au centre du cadre, sont filmés de dos et en plan rapproché.

2. La narration
Point de vue / focalisation

• Il n’y a pas de dialogue, ni de voix off, tout le déroulement de la narration se déroule  » à l’image » et en une seule séquence

• Il s’agit d’un plan séquence

Chronologie • temps de l’histoire et temps de la narration : ellipse temporelle, le récit passe d’une action à l’autre
Montage • le type de montage utilisé est classique, pour illustrer l’ellipse, le monteur utilise le principe du fondu enchainé
Mise en scène de l’image

• choix de cadrages : le réalisateur demande au cadreur de cadrer en plan « rapproché » (taille) et sans changement de valeurs de plan

• quels mouvements de caméra : comme tout le film, il n’y a pas de mouvement de caméra. La caméra est fixe.

Son

• nature du son : le plan séquence décrit se déroule sans dialogue parlé, ce dialogue est écrit sur le mur : « vinceremo / videremu »

• la bande son est off : elle est composée d’un mixage entre des accords de trompette (qui nous informent sur la période), de roulements de tambour (qui symbolisent le conflit) et de bruits de camion (qu’on imagine militaires).

• La bande son est d’autant plus imortante qu’il n’y a pas de dialogue parlé entre les protagonistes, ni de voix off. Elle est là pour réafirmer (en plus de l’image) le contexte du récit : à savoir la deuxième guerre mondiale.

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